Chantage affectif, manipulation, domination, négation des émotions, dénigrement, humiliation, surprotection ou démission, violence verbale ou physique... ce sont les mécanismes de maltraitance dont usent les parents toxiques avec leur enfant (considéré comme leur propriété). Multipliant injonctions et interdictions, ils sèment des « graines de peur, d’obligation ou de culpabilité » (selon la formule de la psychothérapeute Susan Forward).
Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr
L’amour parental est perçu par l’enfant comme conditionnel, voire inaccessible. Sous contrôle, étiqueté, on grandit avec une image erronée et dégradée de soi. Ayant tendance à répondre à la définition qu’on lui donne de lui-même, l’enfant adopte la personnalité et les étiquettes (« tu es nul(le) », « tu n'es pas un homme », « tu es un(e) incapable ») qu’on lui accole et qu’il endosse comme une seconde peau. Ses ressentis brimés (« tais-toi », « arrête de pleurer »), ses velléités d’autonomie asphyxiées (« attention, tu vas échouer, te faire mal »), il apprend à se soumettre, à refouler ses émotions. Sentences dévalorisantes et insidieuses font porter sur l’enfant le poids d’une responsabilité qu’il n’est pas en mesure de gérer, d’une faute dont il n’est pas coupable. Manque de confiance en soi, colère profonde, insécurité et dépendance affectives, immaturité, angoisse d’abandon ou irrespect de l’altérité peuvent découler d’une telle relation.
Pourquoi les parents en arrivent à cette toxicité ?
Certains parents ne se montrent pas capables d’aimer suffisamment leur enfant, semblent ne pas vouloir les soutenir ou les comprendre.
En lien avec ses propres traumatismes et frustrations, le parent toxique est souvent dans la répétition (au lieu d’être dans la réparation) de sa propre histoire. Il se défoule sur son enfant comme son parent le faisait sur lui en ne respectant pas sa personnalité, en lui donnant le sentiment de décevoir puisqu’il n’est pas comme il faut. À son tour parent, l’enfant malmené décharge sa rage, ses rancœurs et son amertume sur son enfant auquel il transmet ses propres dommages émotionnels. La parentalité n’implique pas seulement d’assouvir les besoins de survie (manger, boire...) de l’enfant mais de répondre également à ses besoins psychiques et émotionnels. Or le parent toxique n’accepte pas son enfant pour ce qu’il est, sans doute parce que lui-même ne se reconnaît pas comme digne d’être aimé. L’enfant est alors haï à hauteur de la détestation de soi du parent.
Certains parents sont convaincus d’agir pour le bien de leur enfant en étant critiques et intrusifs, sous prétexte de les protéger et de les faire progresser.
D’autres souffrent d’un manque de maturité, d’un profond sentiment d’insécurité et restent centrés sur eux-mêmes au point de négliger les besoins de leur enfant et de rejeter leur rôle de protecteurs, jusqu’à devenir jaloux de leur enfant qui devient un rival s’il s’épanouit, réussit ses études ou sa vie amoureuse. Nourrissant un besoin constant d’être le centre du monde, ils vont jusqu’à briser leur confiance en eux et leur amour propre.
Parce que d’autres souffrent de la peur de l’abandon, ils s’insinuent dans la vie de leur enfant, les instrumentalisent pour les faire se sentir redevable et responsable de leur bonheur, ou malheur.
Dans un besoin insatiable de contrôle ou animé d’un sentiment de supériorité, certains ne supportent pas qu’on leur résiste, jusqu’à se montrer sadique et se repaître de la souffrance de leur enfant.
Certains parents, castrateurs, refusent de laisser leur fils s’affirmer en tant qu’homme et n’ont de cesse de chercher à le diriger, de le convaincre qu’il est médiocre et décevant.
En ce qui concerne les victimes, quelles sont les méthodes et les solutions qui existent pour sortir de cette toxicité ?
Pour se faire aimer à tout prix, certains ont voulu être un enfant parfait, ont choisi les études et le/la partenaire supposés plaire. Refusant de se conformer au modèle et aux vœux parentaux, d’autres se rebellent plus ou moins tôt pour survivre. Certains finissent par couper les ponts avec leurs parents. Déménagement, divorce, démission, sont parfois les étapes pour s’extirper d’une vie qui n’est pas la sienne. Chaque histoire de vie est unique, même si les souffrances se ressemblent. Certains pardonnent à leurs parents, pour eux-mêmes, pour mieux avancer, pour ne plus être une victime.
Il faut capituler, pour soi, parce qu’on renonce à cet espoir illusoire de voir changer ces parents-là d’un coup de baguette magique. On cesse d’argumenter, de se justifier, de mendier leur amour. On comprend l’imposture de ces parents qui ont feint d’être capables d’aimer leur enfant. On admet que ces personnes ne sont pas bonnes pour nous et que l’on ne pourra jamais les contenter, que l’on n’est pas responsable de ce qu’on nous a fait subir. La reconstruction arrive après le déni, parfois la révolte, lorsqu’on accepte que se détacher de leur influence destructrice est la seule solution. Il s’agit de faire le deuil d’un amour parental inconditionnel, qu’on n’a pas eu et qu’on ne recevra sans doute jamais, de se résoudre au déni parental et de renoncer à une reconnaissance de la maltraitance morale ou physique infligée. Parce qu’il n’y a pas le choix.
Le travail sur soi (qui peut passer par une thérapie) consiste à réparer ses failles identitaires pour se sentir enfin légitime et savoir qui l'on est vraiment. Se définir par ses propres convictions et choix de vie, en accord ou non avec ses parents, permet d’être « vrai » et de :
• s’affranchir d’une emprise étouffante et destructrice sur son psychisme
• se défaire d’une éducation marquée par le harcèlement moral et la dévalorisation
• se déresponsabiliser de la pathologie du parent toxique
• ne pas s’enliser dans un rôle de victime ni reproduire celui de bourreau
• apprendre à communiquer dans la non-violence
• restaurer une estime de soi abîmée
• s’autoriser enfin à s’épanouir et vivre pleinement sa vie.
S’aimer suffisamment implique d’être attentif à ses besoins, de savoir identifier ses émotions, et de faire preuve de bienveillance envers soi-même, de reconnaître ses ressources et accepter ses limites, pour faire avec, ou se dépasser. Aimer et s’aimer c’est avoir conscience que l’on mérite d’être reconnu et respecté pour qui l’on est, imparfait mais authentique.
Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr
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