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Guérir son enfant intérieur pour devenir pleinement soi

« Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants, mais peu d'entre elles s'en souviennent. » (Antoine de Saint-Exupéry)

L'enfant intérieur désigne la part enfantine (siège des émotions où sont stockées joies et peines) de l'adulte.

 

Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr

Se reconnecter avec son enfant intérieur est une technique thérapeutique pour se libérer des blessures du passé, de trop de colère ou de tristesse réduite au silence. En apprenant à écouter l’enfant en soi, l’adulte réhabilite celui qu’il a été. Reconnaître sa souffrance c’est déjà commencer à guérir.

Sans toujours en prendre conscience, on se laisse souvent guider par son enfant intérieur. Si la partie adulte en soi fait appel à la raison, la partie enfant est emportée par les tempêtes émotionnelles de son enfant intérieur. L’adulte dont l’enfance a été malheureuse et non sécurisante (victime de violences physiques ou psychologiques, témoin impuissant de la détresse de - l’un de - ses parents…) peut s’enliser dans un schéma d’échecs ou de dépendances. Ce n’est jamais seulement l’adulte qui souffre (débordé par son angoisse, sa peine, son euphorie ou ses sautes d’humeur) mais c’est l’enfant en soi dont les besoins ne sont pas entendus. L’adulte se retrouve tel un enfant égaré et effrayé dans un monde ressenti comme hostile, ne sachant comment agir ni à qui demander de l’aide. Ainsi certains événements (assimilés à de l’injustice, du rejet, de l’abandon, de l’humiliation, de la trahison) ravivent des traumatismes passés et déclenchent des émotions exacerbées, dont l’adulte rend responsable les autres : son/sa partenaire, ses parents, ses collègues... Certains se montrent agressifs, négatifs ou méprisants, d’autres deviennent passifs ou soumis et se replient sur eux-mêmes. Si l’adulte adopte des postures différentes selon les circonstances et les interlocuteurs, son enfant intérieur revit avec douleur son incapacité à trouver des solutions face à une situation pénible.

L’objectif des thérapies basées sur la guérison de l'enfant intérieur est de permettre à l’adulte d’accueillir les parties inconscientes de sa personnalité pour combler les parties manquantes et faire la paix avec son histoire, pour s’orienter vers l'action et un rapport apaisé au monde extérieur. En analyse transactionnelle, le monde intérieur de chacun est composé des trois États du moi (pensées et sentiments associés à des comportements) : le Parent qui établit les règles, l'Adulte qui pense, décide et résout les problèmes et l’Enfant qui ressent et réagit. Par une (re)prise de contact avec son enfant intérieur (perçu comme potentialité de transformation, comme source d'intuition, de spontanéité, de joie de vivre, de curiosité et d’enthousiasme), l’adulte puise dans ses ressources internes.

La collaboration des parties adulte et enfant a pour but de satisfaire les besoins de l’une et l’autre. Il s’agit de devenir tel un parent attentionné et bienveillant avec l’enfant en soi, de tenir compte de  son caractère, de ses désirs et de ses opinions, de savoir jouer avec lui tout en lui donnant un cadre éducatif. L’enjeu pour la partie adulte (qui materne - et/ou paterne - la partie enfant en lui) est d’activer un sentiment de sécurité affective et la capacité à s'accorder la permission d’être davantage soi-même. L’adulte se prend en main pour assumer la responsabilité de son bien-être. Il va pouvoir faire un travail pour s’affranchir de relations addictives et toxiques : alimentation ou sexualité compulsive, hyperactivité ménagère ou professionnelle, sur-intellectualisation, partenaire maltraitant(e), alcool, drogue…

Spontanément, l’enfant s’autorise à rêver, choisir, savourer l’instant présent, rire, crier, sangloter. Puis il se recroqueville sous les brimades des adultes et s’approprie leur fonctionnement pour perdre son authenticité : s’engouffrent alors en lui l’anxiété et le contrôle de soi. Petit, parce qu’il dérangeait à trop pleurer, on l’a enjoint à cesser (parfois avec un biberon ou un biscuit). Lorsqu’il avait peur, on lui a expliqué qu'il n'avait pas peur. Plus tard, lorsqu'il agaçait (en s’agitant, s’opposant, parlant), on l’a envoyé dans sa chambre. L’enfant comprend qu’il n'a pas le droit de s'exprimer, voire de ressentir de la peine. Il se convainc qu'il est de trop ou insupportable, mais qu’il peut boire ou manger plutôt que d’apprendre à gérer ses émotions. Il grandit en croyant que son point de vue n’est pas valable, qu'il vaut mieux se taire pour être apprécié. Adulte, il redoutera de sortir de sa zone de confort.

Comment s’aimer et être heureux quand son enfant intérieur a vécu la tristesse, l'abandon, la dévalorisation ? L’enfant en soi a verrouillé sa capacité à être naturel, à se respecter et à se faire confiance. Il s’est conformé aux attentes des adultes, à ses jugements moralisateurs ou cassants : le bien, le mal, ce qui est normal/correct ou non, ce qui se dit/fait ou non, la façon de se vêtir ou non. Dans une stratégie de défense, l’adulte cache aux autres (comme à lui-même) ses carences affectives et la facette de soi qui souffre. Il a appris à développer plusieurs aspects d'une personnalité pour finir par s’identifier à ce faux self (version falsifiée et adaptée de soi) pour plaire aux autres. Censurant son enfant intérieur (le vrai soi, enfoui), en porte-à-faux avec son individualité, l’adulte donne le change pour être accepté. Il analyse (soi, la situation et les autres) pour être, faire, dire comme tous. Craignant l’erreur ou l’échec, il doute de sa capacité à savoir ce qu’il veut, à agir et à assumer les conséquences de ses actes. S’il ose écouter son intuition et ses envies, sans suivre la voix adulte en lui, il se blâme et ressent de la culpabilité... et parfois le besoin de se punir et de souffrir.

L’enfant en soi est porteur de souvenirs heureux et positifs comme de souvenirs tristes et négatifs. Se remémorer les bons moments de son enfance, c’est replonger dans les sons et les odeurs, dans l'époque des dessins animés, des copains, de l’école. Tout était alors souvent plus simple, vous saviez lâcher-prise.  Instaurer un dialogue intérieur avec cette partie de soi dont on s’est coupée va permettre de puiser dans les capacités de régénération et d’épanouissement de son enfant intérieur. De ce refoulement de soi (lors du passage vers l’âge adulte) découleraient mauvaise estime soi, sentiment de vide, mal-être et conflits intérieurs. Il s’agit de retrouver son vrai moi pour être capable de s’aimer et d'aimer, en se libérant de ses blocages, pensées limitantes et messages contraignants (injonctions implicites et explicites transmises par nos parents). Tout adulte tire un bénéfice (à moins d’avoir eu une enfance parfaite, sans critique ni conflit) à laisser renaître l'enfant en soi. Retravailler le lien douloureux de l’adulte à son passé (marqué par l’ignorance, la cruauté, les manipulations…) et à ses attachements archaïques (souvent la relation mère-enfant) va amorcer une transformation intérieure.

Reconnaître sa souffrance c’est cesser de la nier, de la minimiser ou de la rationaliser. Après la tristesse, un éventuel déni ou choc et même de la colère, le processus de deuil va pouvoir s’enclencher. Ces émotions sont légitimes et nécessaires pour mesurer l’incidence de ses blessures sur sa vie (sans oublier les répercussions somatiques), pour mettre fin à ce qu’on s’inflige à soi et aux autres. Certains vont pleurer leur solitude, des regrets, la honte, un être disparu, des remords, une trahison, des abus… En se confrontant avec la partie tourmentée et abîmée de soi, on œuvre à libérer son enfant intérieur du sentiment d’être illégitime, défectueux ou indigne d’amour. En prise avec la réalité de son vécu, l’adulte comprend le pouvoir qu’il a sur lui-même : celui de considérer et exprimer enfin ses besoins et ses désirs, d’apaiser ses conflits intérieurs, de ne plus laisser quiconque le museler.

Se replonger dans ses photos d'enfance est l’un des moyens pour instaurer un dialogue avec son enfant intérieur : on lui demande s’il veut bien nous parler et comment il va, on lui raconte l’adulte qu’on est devenu. Cet exercice peut d’autant plus mettre mal à l’aise qu’on a du mal à accepter l’enfant en soi. Puis on laisse venir les réponses... On écoute ce que cet enfant a sur le cœur, on entend ce dont il a besoin, on l’encourage pour lui donner la capacité d’agir et de s’épanouir en tant qu’adulte. On prend son temps pour apprivoiser l’enfant en soi, pour réfléchir à ce qui lui a manqué : la tendresse, les valorisations, l'attention, la compréhension… On laisse remonter les émotions... on accueille la souffrance de ce petit être meurtri, on le répare, le panse, le console et le rassure (dorénavant on sera là pour lui). On peut aussi utiliser la méthode Ho'Oponopono pour se réconcilier avec lui : désolé et pardon (de t’avoir négligé), merci, je t'aime (d’un amour inconditionnel).

Guérir son enfant intérieur permet d’accepter pleinement son moi profond (avec ses qualités, ses valeurs et ses failles), d’accueillir ses émotions et ses besoins, de se respecter et s’affirmer, de se libérer de problématiques de communication (de poids, de stress, d’addictions, de difficultés d'attachement ou de dépendance affective…), de donner du sens à son existence et peut être aussi de pardonner à ses parents - sans doute dans la répétition inconsciente de leurs propres blessures et  schémas de vie.

Le travail de guérison de son enfant intérieur peut se faire seul mais ne remplace pas celui effectué avec un thérapeute, et notamment un hypnothérapeute (l’hypnose favorisant le contact avec son enfant intérieur).

 

* Le concept d’enfant intérieur est présent chez les psychiatres Carl Yung et Eric Berne, chez les psychothérapeutes Alice Miller et Donald Winnicott, chez le médecin Charles Whitfield comme dans la tradition hawaïenne Ho'oponopono.

Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr

 

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