(partie 2/3)
Par son éloquence et sa gentillesse, il m’avait mise en confiance et ferrée tel un chasseur avec sa proie. Au fil des semaines, il a tissé sa toile autour de moi. J’ai perdu la main sur ma propre existence, mes pensées, mon agenda, mes relations et mes dépenses. Soumise à sa validation sur mes faits et gestes, il explosait si je ne pliais pas sous sa volonté. Il ne supportait pas que je lui échappe, il voulait me posséder. J’étais avec lui ou contre lui. Disqualifiée, j’étais tenue de lui obéir. À la dérive, j’ai voulu prendre son besoin de me contrôler pour de l’amour.
* suite de Ma vie avec un pervers narcissique : miroir aux alouettes (partie1/3)
Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr
Plus il désintégrait mon identité, plus il paraissait se fortifier. Ce vampire absorbait mon énergie pour s’en nourrir. Nos crises le comblaient alors qu'elles me vidaient. Il s’appropriait ma
force vitale et attirait mon air dans ses poumons. Sous influence, j’étais un pantin dont il tirait les ficelles, manipulée même à distance. Je donnais énormément sans rien recevoir en retour
mais demeurais incapable de me libérer de lui. Le piège s’était refermé sur moi.
Parce qu’il avait su me cerner et répondre à mes attentes, j’étais devenue dépendante de ce qu’il avait pu m’apporter. Il était le venin et le remède à la fois, il me faisait souffrir mais
pouvait m’apaiser. Prise dans l’engrenage de ce calvaire émotionnel, je m’imaginais autant pouvoir être sauvée que le guérir de ses démons. Il me traitait moins bien qu’un chien mais je
m’enlisais dans cette histoire pourrissante et assassine. En quête éperdue d’affection, je voulais à tout prix être aimée. Malgré les déceptions, les pincements au cœur et les larmes, mon
addiction affective m’habitait toute entière.
Victime d’un manipulateur
Doutant de mes perceptions et de mes opinions, je ressassais nos échanges (qui me mettaient à plat) pour tenter de saisir à quel moment ils basculaient dans l’irrationnel et la torture mentale.
Il envahissait mon espace psychique et me laissait sans repères. M’enfermant dans ses contradictions, ce qui était insensé finissait par passer pour cohérent. Je pensais perdre la mémoire et la
tête tant il déformait les faits, omettait de me donner certains éléments. Il parvenait à me déstabiliser, à me faire dire ce que je ne voulais pas dire et à me faire croire que je faisais, de
mon plein gré, ce qu’il exigeait de moi. Il me manœuvrait à sa guise, me contraignait. Je ne savais plus m’exprimer librement. Il était le dominant, moi son jouet.
Ses comportements aberrants, ses longs silences, ses regards désapprobateurs installaient la confusion en moi. Sans en avoir l’air, sous couvert d’insinuations ou d’humour, il me dévalorisait
puis soutenait que ses propos étaient mal interprétés. Il réfutait toute arrière-pensée. Connaissant mes points faibles (crainte du rejet, manque de confiance en moi) comme ma sensibilité à
l’injustice et à la déloyauté, il appuyait de façon insidieuse là où ça faisait mal. Il déplorait mon allure (« tu as bien changé », « tu pourrais faire un effort »), ma
personnalité (« tu n’es jamais contente », « je te connais, tu es comme ci ou comme ça »). Tout ce que je disais se retournait contre moi. Il semblait détester mon amour,
ma générosité, ma joie de vivre. J’avais tout faux et ne comprenais rien à rien.
Tout chez lui exprimait un malaise relationnel. Il parlait de manière vague, changeait de sujet pour échapper à une conversation, à mes questions ou mes plaintes. Et je restais dans le flou et le
vide. Parce qu’il ne supportait pas les critiques, il niait les évidences ou mentait sur tout (son passé, ses projets, sa famille, qui il y était). J’étais son bouc émissaire. Il me faisait
porter la responsabilité des dysfonctionnements de notre couple, de nos tensions et de ses débordements. Je le poussais à bout. Il n’éprouvait jamais ni remords, honte ou culpabilité. Il
s’estimait irréprochable, se considérait comme une victime et incompris. Il m’a fait endosser sa pathologie, ses frustrations et ses délires, m’a rendue cinglée à sa place.
Le chaud et le froid
Je vivais des montagnes russes émotionnelles auprès de ce docteur Jekyll et mister Hyde. Ma santé mentale était ballottée au rythme de ses humeurs, les crises alternant avec des trêves
idylliques. Décervelée, je pensais retrouver mon grand amour bienveillant et prévenant des débuts. Quand il sentait qu’il avait été trop loin, il m’étourdissait avec ses belles promesses pour me
garder sous sa coupe. Il surjouait, allant parfois jusqu’à pleurer, et je me convainquais qu’il avait changé (« il était stressé mais est adorable maintenant », « il a promis que ça ne
se reproduirait plus »). D’une redoutable efficacité, ces lunes de miel resserraient nos liens, et l’étau autour de moi.
Désorientée, je renonçais à mes velléités de rupture. Tantôt reconquise par cet homme de nouveau idéal, tantôt terrorisée de revoir son côté obscur, je ne m’en sortais pas de cette spirale
perverse. Couverte de baisers et de mots doux, je me sentais coupable de l’avoir énervé. C’était de ma faute, mais il me pardonnait. Comme envoûtée, je faisais table rase de son sadisme
passé. Réconciliés, je me disais que les choses allaient s’arranger. J’élaborais des stratégies d’évitement pour que chaque journée se déroule sans heurt. Je gardais l’espoir d’un retour à un
climat soutenable et m’acharnais à vouloir lui plaire. Il a fait germer en moi l’idée qu’il fallait que je fasse des efforts. Si ça n’allait plus entre nous, c’est parce que j’avais mauvais
caractère. J’étais sa marionnette, sa chose, à la disposition de son plaisir et de sa rage.
Il menaçait de me tromper car j’étais trop coincée au lit, pas assez coquine ni désirable. Envahie par la panique d’être quittée, je lui promettais de m'améliorer, le suppliais de me donner une
chance. Jugée et humiliée, je n’étais plus que l’ombre de moi-même. Je suivais ses consignes pour m’adapter à lui et savoir le prendre, le ménager, lui rendre la vie agréable.
Un double visage, un double langage
En public, maître des apparences, il était en représentation et sympa. Il me portait aux nues, me complimentait, vantait mes atouts et qualités. Devant ses amis, il me clamait son amour en me
prenant dans ses bras. Sur un nuage, j’oubliais combien il pouvait être cruel. Pour les autres, c’était un ange, un homme en or. J’étais chanceuse. Tous n’y voyaient que du feu,
hypnotisés par son art de brouiller les pistes pour rester hors radar.
En privé, il tombait le masque pour redevenir arrogant et féroce, et je redevenais fainéante et moche. Il s’emportait pour des broutilles (un tiroir resté ouvert, un plat trop cuit, un verre mal
lavé…). J’étais nulle, incapable de satisfaire un homme, de tenir une maison. Envieux, pessimiste, coléreux, narcissique, malhonnête, autocentré, sans le moindre scrupule, ses violences
psychologiques me maintenaient dans la peur. Il niait mes ressentis et mon mal-être croissant, je ne savais plus quoi faire. Sa voix glaciale, sa rancune et paranoïa, ses intimidations, menaces
et brimades, son chantage plus ou moins déguisé étaient mon quotidien. Il claquait les portes, jetait des objets sur le sol, serrait les poings... et je cédais à ses exigences sans fin. Je
craquais et suffoquais, mais il demeurait inébranlable.
Il donnait une image exemplaire de lui, personne n’aurait cru à mes appels au secours. Il m’aurait fait passer pour une folle si j’avais révélé ses deux visages opposés, ses abus et mon drame
souterrain. Merveilleuse devant les autres, minable dans l’intimité. Je n’avais aucune preuve, rien de visible. Parfait caméléon, il avait un langage pour moi et un autre pour
l’extérieur. Il ajustait son comportement selon les circonstances et ses interlocuteurs.
Il jouait avec moi au chat et à la souris, et sa haine pour moi me donnait le vertige.
(la suite dans Ma vie
avec un pervers narcissique : sortir d'une relation toxique)
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