Un enfant, ça change la vie... ou plutôt ça la chamboule. Rare sont les parents qui ne traversent pas une zone de turbulence face à l'invasion de leur territoire par les doudous, biberons, couches et autres accessoires de puériculture qui traînent dans l'appartement transformé en crèche, et dans la voiture convertie en discothèque pour tout-petits.
Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr
Lorsque bébé paraît
Une naissance n'est pas sans conséquence pour le couple. Avec les nuits morcelées, les interrogations, les inquiétudes, les conseils contradictoires de l’entourage, irritabilité et malentendus
peuvent s'installer et l'ambiance devenir électrique. Certaines unions connaissent un passage à vide, d'autres volent en éclat à l'arrivée de l'heureux événement qui, au lieu de fortifier la
relation, est vécu comme un raz de marée. Tel un catalyseur, l'enfant met alors au jour des conflits latents ou attise des différends.
Désormais père et mère, chacun découvre de nouvelles facettes de sa personnalité et de celle de son partenaire, ainsi que l'influence d'une culture familiale parfois différente. L'un comme
l'autre sont susceptibles d'être déstabilisés par les priorités à revoir devant ce bébé qui débarque un peu comme un extra-terrestre dans leur univers. Il faut du temps pour accepter la nouvelle
vie qui se dessine et accepter que la relation d'avant l'enfant, tenue pour référence du bonheur, laisse place à une nouvelle façon d’être heureux en famille.
Être parent
Comblée et/ou dépassée par la naissance de son bébé, émotionnellement fragilisée, la femme peut donner à son compagnon le sentiment de ne plus exister pour elle. Après les divers examens
gynécologiques, par appréhension de la douleur post-partum, il arrive qu'elle fasse un blocage pour reprendre une vie intime. Avec quelques kilos en trop et un ventre qui lui paraît ressembler à
une bouée dégonflée, la jeune mère a souvent besoin de se réapproprier son corps. Elle a l'impression qu'il est déformé, qu'il ne lui appartient plus, et encore moins à son conjoint, mais qu'il
est voué à l'enfant qu'elle a porté.
À l'inverse, de retour à la maison, certains pères se précipitent vers leur bébé sans une attention préalable pour leur compagne, qui se sent reléguée au second rang, zappée telle une cigogne ou
une mère porteuse. Après des mois où il a souvent été aux petits soins pour celle qui abritait son enfant, le père peut (sans le vouloir) faire qu'elle s'imagine ne plus compter, une fois la
livraison du nouveau-né effectuée.
Avoir des conversations entrecoupées par des pleurs, se relever plusieurs fois dans la nuit, accepter que le lit double deviennent régulièrement celui de la famille... l'enfant met le couple à
l'épreuve, et parfois en péril. Un réajustement devient nécessaire lorsque la fatigue physique et psychologique fait monter la tension d'un cran, au risque de fragiliser le couple. Pour que
chacun se sente à l'aise dans cette nouvelle configuration et établisse les bases d'un équilibre, il semble tout autant nécessaire de se mettre à la place de l’autre que d'exprimer ses ressentis,
ses peurs, ses réticences et ses besoins.
Arthur se plie en 4 pour soulager sa femme, dont l'accouchement a été particulièrement difficile. Il fait les courses, le ménage, prend autant que possible le relais pour les soins et les
repas de leur bébé, se rend disponible pour les visites chez le pédiatre. Il ne quitte pas la mère et l'enfant des yeux, guettant chaque requête, en attente de consignes. Aujourd’hui, il ne se
reconnaît plus dans ce rôle d'assistant maternel, il lui faut redevenir un conjoint, endosser son rôle de père.
Le binôme parental doit apprendre à bien fonctionner ensemble, en instaurant des priorités compatibles avec celles de l'autre, tout en prenant garde à ne pas épuiser son énergie à vouloir mener
de front vie amoureuse, familiale, professionnelle et sociale. Se parler et s’écouter peut être la clé de l'harmonie conjugale.
Les enfants d'abord
Lorsque le couple s'efface derrière la famille, il est absorbé par le « bébé d’abord » et a vite fait d'oublier la vie à deux auparavant consacrée aux loisirs, aux sorties entre amis,
aux grasses matinées ou aux câlins impromptus. Les échanges autour des pipi caca, des bobos et de la planification des vaccins ponctuent un quotidien réaménagé autour du bébé.
Radia se rappelle combien son chéri et elle avaient pu veiller, à leurs débuts, à ne jamais ni évoquer leurs dérangements intestinaux ni renifler l'un devant l'autre. À présent, ils se
partagent le mouche-bébé et contemplent les selles jaune d'or de leur fils comme s'il sentait le Chanel n°5.
Pourtant désiré, fantasmé, le nouveau venu ébranle la structure du couple, qui devient parental. Telle une comète, l'enfant paraît pour tout dévaster au sein du couple en un temps record. Devenu
le centre du monde, le petit être prend sa place, toute la place, lorsque les parents y consentent, (con)sciemment ou non.
Malgré la chambre d'enfant mitoyenne à la sienne, Anita se couche avec le babyphone collé à l'oreille depuis le retour de la maternité. Son sommeil relié à celui de sa fille, elle reste aux
aguets de chaque respiration ou toussotement. Son mari a pris l'habitude de dormir à trois, leur petite de 2 ans ainsi présente dans le lit conjugal.
La place des parents, et celle de l'enfant
Parce que l'enfant a été attendu, voire programmé, ses parents le considèrent comme un membre à part entière de la cellule familiale et lui accorde autant de place, sinon plus, qu'à eux-mêmes.
Parce qu'il n'a pas demandé à naître, ils ont la responsabilité de son bien être. Au service de leur bébé, les parents le nourrisse, le lave, le veille, le cajole. Ce petit être avide
d'attentions n'en a jamais assez. Très vite, il a un droit de regard sur ses repas, choisit ou non de porter tel vêtement, de dire ou non bonjour à telle personne. On accepte que ses colères
soient l'expression d'émotions, on les accueille. Ses parents estiment devoir lui donner des explications sur le monde qui l'entoure, des justifications de leurs décisions, de leurs envies ou
doutes.
Hissé au rang de semi-adulte, l'enfant s'oppose, exige, culpabilise. Certains crient plutôt qu'ils ne parlent, courent au lieu de marcher, face à des parents éreintés mais résolus à respecter
leurs besoins, à ne pas leur imposer leur autorité, à ne pas les traiter en sous-hommes. L'enfant est, comme eux, maître de la maison.
Antoine et Mina se plient en 4 pour leurs jumeaux, au point où ils devancent leurs désirs et ont du mal à supporter que leurs fils soient frustrés. Leur tolérance au bruit et à l'agitation
est devenue quasi illimitée. Parce qu'ils ne veulent pas empêcher leurs enfants de s'épanouir, parce qu'ils craignent d'être abusifs, parce qu'ils n’aiment pas les voir pleurer ou mécontents, ils
ne parviennent pas à les coucher tôt ni à les faire manger à table. Ils refusent de les contraindre de peur qu'ils ne se sentent pas aimés.
Nul ne saurait prédire quel parent il sera. On s'imagine un père zen et tolérant, on se pressent mère stricte et intransigeante, mais c'est sans compter sur la personnalité de celui que l'on met
au monde et sur la révolution qu'il apporte dans notre existence et notre façon de penser.
Léna, depuis cinq ans, finit sa nuit en travers du lit de ses parents qui tentent de se rendormir en évitant les coups, malgré leur volonté de préserver leur intimité. À bonne école, la sœur
cadette investit elle aussi le lit familial. Quasiment en apesanteur aux bords du matelas, le couple est convaincu que leurs filles finiront par rester dans leur chambre, le jour où elles seront
prêtes.
Avant on a des idées, après on a des enfants.
Par Aouatif ROBERT | psytherapieparis.fr
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